Je sors donc avec mon gros sac sous le bras. Dans le bus, il y a plus pratique que de se balader avec ses affaires pour trois jours. Je suis donc heureuse de trouver une place pour m’asseoir. Je vais jusqu’à sortir mon bouquin. Comme d’habitude, quelque chose m’arrache de ma lecture : ce n’est qu’un homme d’affaire qui vient de me jeter sa mallette dans la tête. Je ris de tout ça désormais.
Ce matin, j’ai pas mal de boulot. Je m’affaire de toutes parts, motivée par les staff sales d’une part et Beijing d’autre part.
Je me joins à Annie et Tracy pour déjeuner. Nous allons dans le restaurant « italien ». Tracy et moi commandons des pates. J’y vois une bonne occasion de lui apprendre à manger avec la fourchette et la cuiller. Non, ce n’est pas une revanche sur les baguettes. Disons que c’est un échange culturel. C’est toujours bien de savoir manger des deux façons. Au départ, ce n’est pas gagné puis elle s’y met très vite. De temps en temps, nous rencontrons le même problème : nous enroulons beaucoup trop de pates autour de la fourchette. Un dilemme se pose donc : mettre tout dans la bouche et espérer que personne ne nous pose de question pendant deux minutes, le temps de tout mastiquer, ou réduire la dose en prenant le risque de tout mettre à côté.
Je quitte les filles pour aller me chercher un sac à dos. Je mène une réelle étude comparative à l’étage sport. Vitesse grand V. Finalement, je choisi un sac assez grand (qui me permettra de ramener en France ce qui ne rentrera pas dans ma valise), pratique avec plein de petites poches (pour éviter de chercher mon passeport pendant dix minutes à chaque fois qu’on me le demande) et pas cher (7 euros, pas de commentaire). Bon d’accord, c’est la marque Sketchers et ça me fait affreusement penser à Britney Spears. Mais le fait que son premier voyage soit Beijing suffira je pense à gommer ce défaut. Lorsque je remonte au bureau, je transvase mes affaires. Prête à partir !
Nous préparons les staff sales. Staff sales ? La vente de tous les échantillons qui ont servis à produire les collections passées. Le personnel en bénéficie. Chaque employé peut proposer à deux amies de venir plus tard dans l’après-midi. Les produits invendus sont donnés à une association caritative. Je suis impatiente de voir ce que cela peut donner. Je déverse des cartons entiers d’accessoires et de pulls sur des tables. Puis lorsque tout est prêt, le coup d’envoi est donné. Go !
J’avais repéré quelques écharpes et un pull. Je les prends. Chaque fille a son carton et va y mettre les affaires qu’elle a choisies. Pour les lunettes de soleil, je n’ai pas trop de concurrence. Nous rigolons beaucoup car je m’aperçois que nous n’avons vraiment pas le même nez. Ces lunettes sont faites pour être portées par des occidentales. Elles ne vont pas du tout à mes collègues chinoises. En fait, elles tiennent toutes seules sur leurs arcades. Ce qui donne un effet très…spécial.
Toutes les phrases prononcées lors de cette après-midi sont ponctuées de hao kan (très beau) ou de bu hao kan (pas beau), de wo xihuan (j’aime) ou de bu xihuan (je n’aime pas). Je finis par acheter une quantité impressionnante de choses pour la taille de ma valise. Je pense que je me trouverai confrontée à un problème logistique lorsque viendra l’heure de faire mes bagages. Mais pour le moment, l’insouciance me gouverne, mon côté féminin a pris le dessus sur tout le reste. Au pire, je porterai toutes ces affaires sur moi. Pas besoin de les mettre dans ma valise dans ce cas. Cette décision fait beaucoup rire Emilia. Lorsque je passe à la caisse, le prix est dérisoire comparé à tout ce que j’ai acheté.
Les filles elles aussi se sont lâchées mais n’étant pas limitée en volume, elles amènent des cartons entiers, emplis de manteaux, de pulls, d’accessoires.
Je me remets au travail pour le reste de l’après-midi. Mon carton plein est à mes pieds. Sentiment de satisfaction. Je finis l’après-midi par une discussion MSN avec Fa.
A 18 heures, j’éteins mon ordinateur, je prends mon sac, revérifie que j’ai toutes mes affaires, dis au revoir à tout le monde. C’est parti pour l’aventure. Je reconfirme la gare à Marie puis direction Shanghai Railway Station. J’y suis en avance. Marie appelle : elle aura du retard par rapport à ce qui était prévu. Pas de panique, nous avions vu large. Puis re coup de fil : elle aura vraiment du retard et a failli se tromper de gare. Au pire, si elle n’arrive pas et que j’estime qu’il faut que j’y aille, je dois partir sans elle, me dit-elle. Ce n’est pas le meilleur des scénarii. Petit coup de stress donc. Finalement, elle arrive à temps et nous nous dirigeons ensemble vers le train de nuit qui doit nous emmener à Beijing.
Contrôle des sacs, des billets. Traversée de la gare, bousculade puis enfin le quai. Re vérification des billets puis nous trouvons notre chambre. Elle est composée de quatre lits. Deux en haut, deux en bas. Sur les lits du bas sont déjà installés deux jeunes hommes. Nous posons nos affaires sur les couchettes du haut. Comment monter ? Voyant que nous sommes un peu empotées devant nos lits, nos compagnons de chambre nous montrent deux marches pieds qui nous permettent de nous installer là-haut. Aucune de nous n’a pris de diner. Nous comptons sur la nourriture ferroviaire. Y’a-t-il un wagon bar ? Ce sera la première expédition aventureuse de ces trois jours. Les wagons semblent être condamnés entre eux tant que le train n’a pas démarré. Nous revenons dans la chambre, brecouilles (comme on dit dans le Bouchonois), espérant qu’une petite dame avec un chariot vienne à la rescousse de nos estomacs affamés.
Chacune dans notre lit, nous installons nos affaires. Les chinois en dessous semblent avoir tout prévu pour le voyage : diner, thé. Ils ont même des pantoufles. Ha oui mais les pantoufles, c’est pour tout le monde. Ils nous donnent les nôtres. Marie a l’air d’être comme moi et de tout vouloir garder : nous les mettons donc dans nos sacs. Le tant attendu chariot arrive enfin : cela semble très bon. Deux s’il vous plait.
Parfait.
Nous nous demandons quelques instants comment manger cette nourriture contenue dans une assiette en plastique souple. Avec des baguettes en plus. En attendant de trouver une solution, premières photos. Le voyage s’annonce très bien. Nous sommes enchantées toutes les deux.
Nous discutons en mangeant. Je ne fais donc pas trop attention à la composition de mon plat. Du riz, de la viande et une espèce de mélange de tofu, de légumes et…de cacahuète. Je me rends compte de ça un peu trop tard lorsque je croque dans le fruit à coque défendu. Il faut dire que ces deniers temps, j’avais un peu baissé mes gardes, pensant ne plus être allergique. Fausse alerte. L’allergie est toujours là. Picotements de plus en plus aigus. Je crache, la grande classe. En même temps, en Chine où le crachat est presque une institution, je ne me sens pas très mal à l’aise.
Puis, je suis les conseils de Marie qui voit que je commence à paniquer. Elle me dit ce que me disent les voix qui raisonnent dans ma tête : « me calmer, ne plus y penser ». Cependant c’est plus fort que moi. De plus, je sens mes lèvres qui gonflent.
Il faut dire que je voyage avec la bonne personne : Marie a fait son stage dans une entreprise de rapatriement. Nous appelons donc Bertrand, son boss, médecin. Conseils : respirer et ne pas paniquer, repérer les manettes pour arrêter le train s’il le faut, ne pas arrêter le train dans la campagne (ça ne sert à rien, les ambulances auront du mal à accéder). Les deux derniers conseils annihilent complètement le premier. Puis : trouver des occidentaux et leur demander des anti-staminiques. Chose rassurante : s’il ya le moindre souci, en cas d’arrêt du train, la compagnie se charge d’appeler les secours. Merci pour tous ces conseils. Ils m’aident à me calmer.
Partons donc à la recherche d’anti-staminiques. Nous trouvons des français qui n’ont rien. Puis, dans une chambre, miraculeusement, un anglais sort de son sac à dos du Zyrtec. Quatre cachets. J’en prends deux et dormirai avec les deux autres dans la main. La panique retombe peu à peu quand je sens mes lèvres dégonfler. Bertrand prend des nouvelles de la situation. Ceci me rassure et je le remercie de tout cœur.
Voilà qui commence bien le voyage….nous retournons nous remettre de nos émotions dans la chambre. Puis direction le wagon bar. Nous avons bien mérité une petite boisson. Ambiance très sympa. Des policiers sont accoudés au comptoir. Nous discutons.
Puis les anglais arrivent pour manger. Inquiets ils prennent de mes nouvelles. Pour le moment, pas de signe négatif. Juste quelques picotements dans la gorge. J’essaie de ne pas y penser. Ils se joignent à nous et nous finissons la soirée ensemble. Je ne suis pas très concentrée sur la conversation. Nous les retrouverons demain sur le quai et irons certainement dans leur auberge de jeunesse car nous n’en avons pas réservée.
De retour dans la chambre, nous constatons que nos deux colocataires ne dorment toujours pas. Contrairement à la majorité du train qui s’est assoupie sur les coups de 21 heures. Nous papotons encore puis extinction des feux.
Je me réveille plusieurs fois dans la nuit, les mains collées sur le visage, vérifiant l’état de mes oreilles et de mes lèvres. Finalement, c’est toujours pour constater que je n’ai pas gonflé et que je suis bel et bien en train de respirer. Vive la vie !
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